Invité : Philippe Chevalier, Détective enquêteur, Président de Sarx
Rédigé par : Claudine Fyfe, présidente de Fynlam
Les enquêtes en entreprise ne relèvent plus du luxe ou de la méfiance excessive : elles sont désormais un outil de gestion des risques incontournable. Dans ce Balado Philippe Chevalier, enquêteur chevronné et cofondateur d’une agence spécialisée, nous plonge dans l’univers peu connu, mais omniprésent, des cyberenquêtes professionnelles, des fraudes organisationnelles, et de la criminalité d’entreprise.
Depuis que le monde des affaires existe, la contrefaçon, les faux documents, la fausse facturation, ou encore les vols logistiques — comme les camions « évaporés » entre Montréal et Toronto — sont des réalités récurrentes. Ce n’est pas une fiction, c’est structurel, presque naturel, affirme Philippe Chevalier.
La proximité du crime : le déni comme premier ennemi
Ce qui rend les entreprises vulnérables, c’est souvent le déni. On pense que cela n’arrive qu’aux autres, que son entreprise ou ses collaborateurs sont à l’abri. Grave erreur. Un fraudeur peut être un fournisseur de confiance, un client stratégique, ou même un employé clé. L’infiltration peut être programmée par des organisations criminelles pour des raisons légales de façade, ternissant irrémédiablement l’image d’entreprise.
« Une cyberenquête coûte peu. Mais les pertes évitées peuvent être x10, x100. »
« La réputation d’affaires, c’est du capital. C’est de l’argent. »
Les secteurs les plus à risque
S’il est vrai que certains secteurs comme le transport ou les franchises sont plus facilement infiltrables, la réalité est plus nuancée. Le crime organisé fait un calcul risques-bénéfices, exploitant la moindre faille. Les prête-noms (médecins, avocats, notaires…) au profil irréprochable deviennent les bras légaux de réseaux criminels, manipulés par intérêt ou par vulnérabilité.
Quand agir ? Trop souvent il est trop tard
Souvent, les organisations font appel à Philippe trop tard. Il aurait fallu intervenir à l’apparition des premiers signaux faibles : tarifs trop bas, documents suspects, incohérences, comportements inhabituels. Des cyberenquêtes discrètes et légales peuvent alors révéler des informations capitales avant qu’un partenariat ou un recrutement stratégique ne vire au cauchemar.
L’Intelligence artificielle au service de l’enquête
L’agence de Philippe utilise une IA privée, conçue pour recueillir des données publiques et les filtrer pour révéler le professionnel caché derrière le profil. L’IA ne remplace pas l’humain, elle prépare le terrain pour les enquêteurs, qui cherchent prioritairement les éléments gênants (litiges, harcèlement, fraudes), mais aussi les éléments valorisants. Tout cela, dans un strict cadre légal (loi 88 sur la sécurité privée).
Contrefaçon alimentaire et faille humaine
La contrefaçon alimentaire est une nouvelle tendance criminelle : faux parmesan, fausse huile d’olive, etc. Peu risquée, mais hautement rentable. Ces fraudes exploitent la lourdeur des normes ISO, la routine des vérifications et surtout… la faille humaine. D’où l’intérêt des exercices de sensibilisation en entreprise, pour tester la vigilance, comme ceux menés par Philippe dans les aéroports.
La confiance n’exclut pas le contrôle
La trahison ne vient pas des procédures, mais des personnes. La matrice MICE (Monnaie, Idéologie, Compromission, Ego) explique bien comment une personne fiable peut devenir une cible pour le crime. L’éducation, la formation, et surtout l’éveil organisationnel sont les meilleurs antidotes.
Freins et solutions : oser voir la réalité
Pourquoi ne pas agir ? Parce que l’on pense que cela ne nous concerne pas. Parce qu’on craint l’intrusion. Parce que l’on ne comprend pas encore la valeur de la réputation dans les affaires. Mais comme le dit Philippe Chevalier : « Les problèmes viennent des gens, pas des tableaux Excel. » et « La faille n’est pas dans le cloud. Elle est humaine. »
« Une cyberenquête, ce n’est pas de l’espionnage. C’est simplement collecter et interpréter des données publiques, légales, pertinentes. »
La faille ? L’humain
« MICE : Monnaie, Idéologie, Compromission, Ego. Ce sont les 4 leviers qu’utilisent les manipulateurs pour corrompre. »
« Même un professionnel crédible — avocat, CPA, médecin — peut devenir prête-nom d’une organisation criminelle. Il suffit d’une faille : dette, flatterie, vulnérabilité. »
Les conseils de Philippe :
- Il faut être responsable et vigilant car « chaque geste a une conséquence ».
Avant de signer ou d’embaucher, vérifiez.
- Ne croyez pas que ça n’arrive qu’aux autres.
La fraude est devenue une industrie. Votre entreprise a de la valeur ? Elle est une cible.
- Ne croyez pas ce que vous voyez, mais ce que vous comprenez.
Faux documents, discours bien rôdé, apparences légales : tout peut être simulé.
Note personnelle :
Une phrase m’a marqué lors de mon entretien avec Philippe Chevalier :
« Ne crois pas ce que tu vois, crois ce que tu comprends. »
Dans un monde où tout peut être simulé — documents, identités, intentions —, l’intuition doit être soutenue par la vérification. La confiance n’exclut pas le contrôle.
Ce Balado (que je vous invite à écouter) est une invitation à agir plus consciemment, sans peur, mais avec discernement.