Invité : Denis Tremblay, PDG d’Alliance Management
Rédigé par : Claudine Fyfe, présidente de Fynlam
Dans un monde où l’efficacité est reine et où les chaînes d’approvisionnement sont soumises à des pressions croissantes, il devient urgent de repenser nos façons de travailler ensemble. Et si le véritable levier de performance ne se trouvait pas dans les processus ou les systèmes, mais dans… notre cerveau?
C’est la piste fascinante que propose Denis Tremblay, conseiller en management, coach d’exécutifs et formateur. Dans un épisode de Balado aussi rafraîchissant qu’utile, il partage une vision inspirée des neurosciences pour améliorer les pratiques d’approvisionnement. Une approche qui met la relation humaine, les émotions et la personnalité au cœur de l’efficacité collective.
Des relations avant les compétences
Denis Tremblay a longtemps observé les équipes. Pourquoi certaines collaborent naturellement, alors que d’autres, malgré les outils et les processus en place, peinent à avancer? La réponse ne réside pas dans les compétences techniques. Ce qui fait la différence, ce sont les relations humaines. Et les neurosciences nous aident à mieux comprendre ce qui se passe entre deux personnes – au niveau du cerveau – lorsqu’elles interagissent.
Le pont relationnel : une métaphore à adopter
Imaginez une relation comme un pont. Plus ce pont est solide, plus on peut y faire circuler d’information, de confiance, d’idées et de décisions. Mais attention : surcharge ou mauvaise transmission, et le pont peut s’effondrer.
Trois piliers assurent la solidité de ce pont :
- L’attraction (ou la conscience des biais)
Notre cerveau juge très vite : ami ou menace? Cela se fait en quelques millisecondes. Prendre conscience de ces réflexes, c’est déjà ouvrir la voie à des relations professionnelles plus saines. - L’intimité et la transparence
Il ne s’agit pas ici de se confier sur tout, mais de nommer honnêtement ses limites, ses enjeux, ses intentions. C’est ce qui crée la confiance, indispensable à tout partenariat solide. - L’engagement et le respect des conditions
Une fois la confiance installée, l’engagement peut émerger. On tient parole, on partage les responsabilités, et on construit ensemble.
Nos biais, nos émotions : des alliés à apprivoiser
Le cerveau est programmé pour économiser de l’énergie. Il utilise des raccourcis mentaux, comme le biais de confirmation (je vois ce que je veux voir), ou le biais de disponibilité (je me fie à ce que je connais). Ces mécanismes sont utiles… mais peuvent nuire aux décisions, surtout en recrutement, en négociation ou en résolution de problème.
Identifier ces biais et les émotions qui les déclenchent, c’est faire de la place à une intelligence émotionnelle qui renforce les relations professionnelles. Savoir que certaines tensions proviennent de réflexes inconscients (peur du rejet, besoin de contrôle, etc.) permet de désamorcer bien des conflits.
Adapter les rôles aux personnalités : un réflexe gagnant
Denis Tremblay recommande l’approche HEXACO, qui identifie six grands traits de personnalité (honnêteté-humilité, émotionnalité, extraversion, agréabilité, conscience, ouverture à l’expérience). Connaître ces traits, chez soi et chez les autres, permet d’anticiper les comportements, d’éviter les malentendus… et de bâtir des équipes vraiment complémentaires.
Un exemple? Une personne très agréable peut éviter les confrontations, ce qui complique les négociations. Un collaborateur très sensible au stress pourrait être mal à l’aise dans une situation de crise. Savoir cela permet de mieux répartir les rôles.
L’approvisionnement : plus qu’un centre de coûts
Un autre point fort soulevé par Denis : trop souvent, l’approvisionnement est impliqué tardivement dans les projets. Pourtant, ces professionnels possèdent une connaissance fine des marchés, des risques, et des innovations. Leur implication dès les premières étapes, dans les décisions stratégiques, peut faire toute la différence.
Autrement dit : quand on leur donne la place qu’ils méritent, les professionnels de l’approvisionnement deviennent des partenaires de croissance, « pas de simples exécutants ».
Un appel à repenser la gestion des talents
Denis critique avec justesse une approche RH trop administrative, où les postes sont vus comme des cases à remplir. Il invite plutôt à recruter et développer selon le potentiel d’évolution, pas seulement pour répondre à une tâche immédiate.
Résultat? Des collaborateurs engagés, agiles, qui se projettent dans l’avenir de l’organisation. Et dans un secteur en constante évolution comme l’approvisionnement, c’est une approche qui a tout pour séduire.
CONCLUSION
Ce qu’on retient (et qu’on peut appliquer dès aujourd’hui):
- Investir dans la qualité des relations, pas seulement dans les outils.
- Observer ses réactions émotionnelles et ses biais avant de juger.
- Adapter les communications et les responsabilités aux profils de personnalité.
- Donner à l’approvisionnement un rôle stratégique, dès l’amont.
- Recruter et gérer en misant sur le potentiel, pas juste sur le CV.
En somme : si l’on veut bâtir des équipes solides, alignées, performantes, il faut d’abord comprendre comment fonctionnent les êtres humains… et leurs cerveaux. Le neuromanagement ne promet pas des miracles. Mais il nous rappelle que notre premier outil de performance, c’est nous-même.
Merci à Denis Tremblay pour cette inspiration accessible et concrète. Et à vous, professionnels de la chaîne d’approvisionnement : prêts à construire des ponts plus solides?